Texte librement inspiré de l’article de Salim Virani.
«
Au fait, je voulais te demander : pourquoi tu n’es plus sur Facebook ? » le genre de question que l’on pose, en sachant intérieurement que Facebook c’est mal, mais sans vraiment vouloir savoir
à quel point c’est mal. J’ai été très fan de Facebook – l’un des premiers utilisateurs parmi mes amis en 2007, convaincu que c’était un excellent moyen de rester en contact. Étant «
ingénieur informaticien » , je comprends techniquement tout ce qu’implique Facebook, mais jusqu’à présent, ça ne m’inquiétait pas plus que ça. Quand j’ai voulu quitter Facebook il y a quelques années, c’était plus par conviction plus que par crainte, puis j’étais revenu… et aujourd’hui je crois qu’il faut vraiment partir ! A la base, il y a les fameux problèmes dont j’avais déjà parlé à propos des droits abusifs de leur application, mais à la limite on pourrait presque leur trouver des explications techniques rationnelles… En revanche, à la lecture des dernières
CGU et des pratiques qui en découlent, certains points sont autrement plus inquiétants…
Facebook a toujours été considéré comme « légèrement pire que tous les autres » dans sa gestion de notre vie privée, mais là ils ont éclaté les scores ! En sortir devient nécessaire, pour vous, mais aussi pour vos proches.
Une petite liste de certaines pratiques de Facebook
Outre ce que Facebook annonce sur ce qu’ils font de vous et vos données, il demeure tout ce qu’ils ne vous disent pas, et qu’ils font de toute façon par le biais
des failles qu’ils se sont créées dans leurs CGU, Et même pas besoin de votre acceptation, puisqu’ils considèrent qu’en restant sur Facebook vous en acceptez implicitement toutes les modifications de CGU ! Pratique… Facebook n’accorde aucun caractère privé à vos données, peu importe le temps que vous passerez à verrouiller vos paramètres de confidentialité : ce sont des leurres. Les violations de vie privée sont graves et nombreuses :
- Vous faire poster des articles sur de produits ou de partis politiques en votre nom, alors que vous n’avez jamais « liké » ces pages.
- L’activation du micro de votre téléphone, et potentiellement une surveillance audio à votre insu.
- L’utilisation de la reconnaissance faciale pour vous pister (y compris ceux qui ne sont pas sur Facebook).
- Leur politique de dénonciation pour forcer vos amis à donner leur vrai nom quand ils ont choisi d’utiliser un pseudo.
- L’enregistrement tout ce que vous lisez sur internet, via les boutons « like » disséminés sur le web, qui scannent les mots clés de vos lectures et les associent à votre profil (même chose pour les messages privés et les liens que vous envoyez via leur Messenger). Même si vous ne postez rien sur Facebook, cette filature leur permet d’avoir un profil très détaillé sur vous : age, sexe, orientation sexuelle, opinions politiques et religieuses, le tout vendu massivement aux banques, sociétés d’assurance, gouvernements et bien sur aux publicitaires.
« Je n’ai rien à cacher »
Pourtant, beaucoup de gens ne semblent pas inquiets à ce sujet, sous prétexte qu’ils n’ont rien à cacher. L’ un des problèmes les plus évidents ici est lié aux compagnies d’assurance et aux données qu’elles collectent sur vous afin de prédire votre avenir. Aimeriez-vous qu’on vous refuse une assurance santé sous prétexte qu’un algorithme leur ait annoncé que vous avez consulté un cardiologue ? Dans le même ordre d’idée, souhaitez-vous que votre patron soit au courant que passez des entretiens ailleurs ? Et si votre futur employeur savait que vous êtes peut-être enceinte ? Que diriez-vous si, dans le cadre d’une transaction immobilière, les acheteurs ou vendeurs savaient que vous avez des difficultés à rembourser votre prêt actuel ?
Ne confondez pas vie privée et secrets. Je sais bien ce que vous faites dans la salle de bain, mais vous fermez néanmoins la porte. C’est parce que vous voulez de l’intimité, pas pour dissimuler un secret. (Extrait de I have nothing to hide. Why should I care about my privacy?)
Et pourtant, nous avons renoncé à ce droit à la vie privé : extrait des CGU :
https://www.facebook.com/terms Lorsque vous publiez du contenu ou des informations avec le paramètre Public, cela signifie que vous permettez à tout le monde, y compris aux personnes qui n’utilisent pas Facebook, d’accéder à ces informations et de les utiliser, mais aussi de les associer à vous (c’est-à-dire votre nom et votre photo de profil).
Par « informations », nous entendons les faits et autres informations vous concernant, notamment les actions des autres internautes qui interagissent avec Facebook.
Donc, cela inclut tout ce qu’ils collectent sur vous sans vous le dire. Tout ce que vous lisez en ligne, tout ce que quelqu’un publie sur vous, toutes vos transactions financières privées. Puis, vos données sont combinées avec celles de vos amis pour encore plus de précision. L’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule :
Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
La question ici n’est donc plus ce que nous devons cacher, mais de maintenir un droit fondamental à la vie privée, le droit de décider de l’utilisation de nos informations. Or, nous avons renoncé à ces droits pour toujours en utilisant Facebook.
Facebook ne vous permet pas de partager ce que vous voulez.
Même si vous n’avez rien à cacher, vous devriez vous inquiéter du contraire, car Facebook filtre et cache arbitrairement ce que vous souhaitez partager ! Vous avez remarqué qu’il y a un décalage entre ce que vous publiez sur Facebook et le retour que vous en attendiez ? Pour faire simple, Facebook filtre vos messages en fonction du trafic qu’ils vont générer. Vous êtes convaincus que Facebook est un bon moyen de rester en contact avec vos proches : images, commentaires, etc. tout le monde est là et vous avez une bonne vision de leur quotidien. En réalité, beaucoup de vos messages ne sont jamais vus par qui que ce soit! Et vous loupez beaucoup de choses vous aussi. Facebook est finalement très peu fiable pour rester en contact. Vous pensez être en contact avec vos proches, mais non. Au mieux, vous êtes en contact avec une version filtrée de vos amis. Vous restez uniquement en relation avec les gens qui publient du contenu ayant de la valeur aux yeux de Facebook. Quand j’ai arrêté Facebook, il s’est passé un truc étonnant : mes amis et ma famille m’ont téléphoné, envoyé des SMS et des mails. J’avais l’impression de retrouver un vrai lien social.
La censure politique
Facebook bloque des dont le contenu politique ne leur conviennent pas (ex: censures de messages concernant les
manifestations de Fergusson, ainsi que d’autres manifestations politiques). Facebook permet aussi aux organisations politiques de bloquer vos publications. Il suffit de quelques personnes pour signaler une publication et la faire disparaitre de vos flux… et ils en abusent. La censure facile et pas chère. Vous avez d’ailleurs constaté comment ce phénomène a généré des «
bulles de confirmation » lors des élections américaines de 2016…
La délation de vos amis
En admettant que vous vous êtes tout de même d’accord avec tout cela, sachez qu’en utilisant Facebook, vous forcez vos amis et votre famille à accepter la même chose ! Même ceux qui n’y sont pas. Même ceux qui se cachent derrière un pseudo. Avec la synchronisation de vos contacts sur votre téléphone mobile, Facebook a enregistré la liste complète de vos proches : Vrais noms, numéros de téléphone, adresses, e-mails, tout. Avec cela, ils créent des « profils fantômes » de vos contacts qui ne sont pas sur Facebook, avec leur nom, coordonnées, ainsi que leur réseau de connaissances reconstitué à partir du votre. Vous prenez une photo d’eux, et hop, ils sont identifiés et géolocalisés par Facebook. Ils n’ont rien demandé, certains ont même fait le choix de ne pas être sur Facebook, et pourtant, nous les vendons involontairement ; Facebook fait de nous des balances !
Les « Like » fantomes
Tout comme les « profils fantômes », Facebook prend l’initiative de
déduire des like en fonction des informations qu’il a collectées sur vous : ce que vous lisez sur internet, ce que vous faites avec les applications pour lesquelles vous vous êtes connectés avec votre profil Facebook. Cela s’appelle un « Like fantôme ». Eux, appellent cela une « simple utilisation de techniques statistiques dans des base de données de marketing » : Si vous passez du temps sur un site, ou à vous documenter sur un sujet, Facebook conclue que vous l’aimez et ne se privera pas de publier auprès de vos amis un « like » alors que vous ne l’avez jamais fait. En effet, Facebook donne aux annonceurs le droit de vous utiliser comme un « approbateur », sans être aucunement limité à ce que vous avez véritablement liké. Vous avez probablement déjà vu des annonces Facebook avec un like de vos amis qui vous a semblé étrange, et en creusant un peu, l’ami en question vous a confirmé qu’il n’avait jamais liké cette page. Ce genre de situation peut aller du cocasse (un ami végétarien qui like la page de McDonald’s) au dramatique (un conjoint qui like des sites de rencontre…), mais la plupart sont encore plus pernicieux car étant plus anecdotiques, ils ne seront jamais repérés, alors qu’ils auront pourtant biaisé l’image que vous présentez à vos amis (politique, convictions, relations sociales, etc…). Vous ne le saurez jamais et vous ne pouvez empêcher Facebook de le faire.
La combo ultime
Maintenant, voyons ce que les dernières CGU de Facebook leur permettent de faire avec tout cela : Facebook récolte et croise de plus en plus d’informations : ce que vous achetez, vos données bancaires (
un partenariat avec Mastercard est déjà en place), votre position en temps réel via le GPS de votre téléphone mobile (via leur application, ou les photos que vous prenez), avec qui vous passez votre temps, vos habitudes. Ils savent qu’au lieu d’être en arrêt maladie vous avez préféré aller au bar avec des potes « Micheline a liké le bar Le Balto à 15h ». Ils savent quand vous allez à l’hôpital et sont en droit de partager cette information avec un assureur ou un employeur. Ils savent quand vous allez passer des entretiens d’embauche en douce et ne se priveront pas de vous faire « liker » des pages de sites de recherche d’emploi. Tant que cette publicité leur permet de gagner un peu d’argent… C’est sans précédent, et tout comme vous n’auriez jamais imaginé que Facebook vendrait vos « likes fantômes » lorsque vous vous êtes inscrit en 2009, il est bien difficile de prédire ce que Facebook fera d’ici quelques années avec toutes ces données. Mais en réalité, c’était écrit d’avance car
c’est exactement leur business model : Facebook nous vend car c’est comme cela qu’ils gagnent de l’argent.
Que faire ?
En Europe, Facebook est légalement obligé de publier les informations qu’ils détiennent sur nous – mais jusqu’à présent ils ont refusé. De nombreux
recours collectif sont déjà en cours. Concrètement, il n’y a pas beaucoup d’options… Soit vous acceptez tout cela, soit vous quittez le navire. Et il faut bien admettre que le bateau commence à sentir mauvais…
Comment sortir de ce bordel ?
Suite à la décision de justice de la FTC, Facebook est «
tenu d’empêcher quiconque d’accéder au contenu d’un utilisateur plus de 30 jours après que l’utilisateur a supprimé son compte ». Il y a plusieurs interprétations possibles : Certains disent qu’il faudrait supprimer chaque publication séparément, d’autres qu’il suffit de supprimer son compte, et certains disent même que tout cela est inutile, qu’ils vont néanmoins conserver vos données, et que le mieux qu’il reste à faire est d’arrêter de leur en donner encore plus.
- Utiliser l’outil de Facebook « Créer mon archive »
- Récupérer ses photos. Cette application Android permet de le faire de manière exhaustive car Facebook ne permet pas de tout récupérer, et pas en résolution maximale.
- Si vous optez pour la solution radicale du grand nettoyage, ce script permet d’effacer toutes vos publications une à une.
- Ensuite, il faudrait faire le ménage dans toutes les applications Facebook que vous avez utilisé, mais franchement c’est peine perdue car on sort de la juridiction de Facebook, et chaque appli fait plus ou moins ce qu’elle veut de vos données…
- Si vous avez le courage, demander la suppression de vos données qui ont été vendues aux publicitaires.
- Supprimer son compte (et pas seulement le désactiver)
Ensuite, il faut empêcher Facebook de continuer à vous fliquer à travers votre « profil fantôme ». Pour cela :
- Activer l’option « Ne pas me pister » de votre navigateur (même si les sites les plus malveillants se moquent de cette recommandation)
- Installer des bloqueurs de publicité (ex: UBlock Origin) et des bloqueurs de traqueurs (ex: Ghostery ou Badger)
Je considère ceci comme une démarche responsable pour éviter à ma famille, mes amis et moi-même, une perte de liberté et d’éventuelles souffrances relationnelles. Le monde est rempli de gens qui disent «
ça n’arrivera jamais», et quand ça arrive, ils enchainent sur «
on ne peut rien y faire». Internet a été décentralisé pendant 50 ans, et offre de par sa conception de multiples alternatives qui nous permettent de conserver notre vie privée. Nous avons notre mot à dire quant au monde dans lequel nous voulons vivre – et cela passe par des actions personnelles. Il est aussi de notre responsabilité d’aider les autres à comprendre, afin que chacun puisse faire ses propres choix éclairés.
Et après ? Quelle alternative ?
Initialement, j’avais commencé à chercher des alternatives à Facebook, poussé par un besoin de le remplacer par quelque chose de similaire, comme
Google+ (qui n’a jamais vraiment décollé) ou
Diaspora (décentralisé mais encore trop peu peu convivial à mettre en place). Ici, mon avis diverge de celui de Salim Virani puisqu’il fait la promotion du téléphone ou des chats privés comme
Signal. N’étant personnellement pas fan de téléphone, et préférant les échanges épistolaires, je crois que la meilleure alternative pour prendre des nouvelles reste le mail ou les messageries (SMS,
Hangout, etc.) Je termine sur une note de doute, voire d’hypocrisie, car malgré tout cela, et contrairement à Salim Virani, je ne sais pas si j’aurai le courage de supprimer complètement mon compte Facebook… tiraillé entre tout ce que vous avez lu et mon désir de conserver des souvenirs, juste au cas où… Le minimum selon moi c’est de verrouiller ma navigation (bloqueurs de pubs et de mouchards), puis d’arrêter d’alimenter Facebook : plus de posts, plus de photos, plus de likes. J’irai peut-être jeter un œil de temps en temps pour voir si j’ai manqué un truc, mais je compte sur mes amis pour me contacter s’il se passait un truc important. En contrepartie, je continuerai de poster sur ce blog ce que j’aurais posté sur Facebook auparavant. 20.100
PS: J’ai condensé et adapté le texte original mais vous pouvez retrouver la traduction intégrale sur le site de Framablog, qui ont eu la même idée que moi ^_^