J’ai envie de vous parler d’un mot rigolo : la zététique. Définie comme « l’art du doute », la zététique est présentée comme « l’étude rationnelle des phénomènes présentés comme paranormaux, des pseudosciences et des thérapies étranges ». Cette discipline existe depuis 2000 ans et promeut l’approche méthodologique scientifique pour faire la part entre la science et les pseudo sciences. Cette recherche de vérité scientifique s’effectue par une méthode de sélection des idées et des modèles intellectuels qui décrivent le réel, le tout étant de faire le tri et d’évincer tout ce qui essaie de singer l’autorité de la science (une blouse blanche, ça fait toujours crédible…) sans la méthode sur le fond. La science est humble et confesse qu’elle ne possède pas de vérité pérenne. En revanche, elle est auto-corrective. La vérité est une erreur rectifiée, et se démarque en ce sens de la croyance qui reste fondamentalement immuable. Les pseudo sciences profitent de ce doute et proposent de gérer les zones d’ombres pour lesquelles la science moderne n’a pas de certitude.
« La seule vérité sacrée est qu’il n’y a pas de vérité sacrée : toutes les affirmations doivent être examinées avec un esprit critique ; les arguments d’autorité sont sans valeur ; tout ce qui ne correspond pas aux faits doit être rejeté ou révisé. La science n’est pas parfaite. Elle est souvent mal utilisée. C’est seulement un outil, mais c’est le meilleur outil que nous ayons. » (Carl Sagan)
Pourquoi ces pseudo sciences se répandent si facilement ?
Tout d’abord parce que le raisonnement scientifique n’est pas naturel chez l’homme, et les théories qui en découlent sont parfois même totalement contre-intuitives, ce qui n’aide pas à leur accorder le crédit qui leur est dû. Bien souvent, les lois de la physique contredisent même toutes les observations :
- « les corps chutent à la même vitesse, quelle que soit leur masse »… force est de constater que ce n’est pas vrai : une boule de bowling tombe plus vite qu’une plume… Cela s’explique certes facilement (les frottements de l’air qui sont inversement proportionnels à la masse volumique), mais pour qui ne cherche pas à comprendre, il est plus facile de réfuter la théorie scientifique, voire d’invoquer une force surnaturelle qui retiendrait le ballon de foot.
- « La terre tourne autour du soleil »… honnêtement, une simple observation nous montre le contraire puisque c’est apparemment le soleil qui fait le tour. Ce qui fait peur c’est que, encore aujourd’hui, 30% des européens en sont convaincus !
Et si cela ne suffisait pas, les biais cognitifs nous enseignent que notre cerveau va plus facilement se réfugier derrière une justification irrationnelle plutôt que de remettre en question ses croyances et chercher à comprendre. Saleté de cerveau, on ne peut avoir confiance en personne… Les pseudo sciences profitent de ces doutes et alimentent une défiance envers les sciences. Rien que le vocabulaire employé sème la confusion : les mots sont judicieusement choisis pour induire en erreur : elles parlent de « médecine douce », en opposition à la médecine scientifique qui serait de fait dure et néfaste. Internet a grandement contribué à la diffusion large de ces croyances, et l’on sait que la libre concurrence des idées ne favorise pas toujours les approches les plus méthodiques. Et même quand des sujets ont déjà été réfutés depuis longtemps, les informations fallacieuses reviennent et abondent plus que jamais. Car les acteurs des pseudo-sciences ont vraisemblablement du temps libre et saturent l’espace d’expression, alimentant la confusion entre visibilité et représentativité. Et malheureusement, cette énergie n’a pas le même écho chez les scientifiques qui ne prennent pas assez le temps de réfuter, d’expliquer, de vulgariser. Il y en a de plus plus, c’est bien, mais il en faut encore plus, car corriger une erreur apparaît aussi important que de faire une nouvelle découverte.
A qui profite le crime ?
La science est testable et réfutable. Ceci dit, les pseudo-sciences le sont aussi. D’ailleurs, homéopathie, sophrologie, ostéopathie, astrologie, et voyance ont depuis longtemps été testées… et réfutées ! De 1987 à 2002 fut ouvert le « défi de la zététique : Vous prétendez avoir des pouvoirs… prouvez-le !« , avec comme récompense 200 000 euros pour qui parviendrait à prouver un phénomène paranormal. 264 candidatures, parmi lesquelles « Je peux détecter les billets de loterie gagnants, sans pendule« , « Je peux dialoguer avec l’au-delà via livres, télévisions, radios, télépathie acquise suite à une sortie hors du corps…« , « Je suis capable d’assurer la prévention des accidents d’avion par l’astrologie« , « Je peux lire dans le marc de café le passé, le présent et le futur d’une personne« , … bref, <spoiler> aucun candidat n’a jamais pu apporter de preuve. 264 échecs, mais finalement assez peu d’escrocs furent recensés. La plupart du temps, ceux qui croient dans les pseudo-sciences sont de bonne foi. Ils ont leurs raisons, même si elles sont subjectives et fausses. Malheureusement, même une croyance naïve peut devenir pernicieuse lorsque les acteurs de ces pseudo-sciences commencent à discréditer la médecine moderne et mettent ainsi en danger ceux qui les écoutent. La dernière mode ce sont les anti-vaccins, récemment portés par Isabelle Adjani. Non seulement leurs arguments sont tous faux, scientifiquement réfutés, mais ils bénéficient d’une acceptation inquiétante puisque aujourd’hui 41% des Français se méfient des vaccins. Pauvre Pasteur…
Retour au moyen-âge ?
Alors comment faut-il réagir ? Laisser dire et accorder un libre champ à la « démocratie des crédules » ? Surtout pas. Selon moi, l’éducation est la clé. Il faut initier les jeunes le plus tôt possible à la pensée méthodique et à l’esprit critique, leur donner les armes intellectuelles pour douter et ne pas accepter les arguments d’autorité.
« Rising prophecies, assuring, frightening, comforting A truth seems to rise from inevitable signs Or do we see signs where we want to see them ? » (The Aching Beauty – The Hundredth Name)